16 juin 2008 – 22 juin 2008

     25 000 expulsions par an, 35 000 retenus… Pour atteindre ces chiffres, combien de jugements expéditifs, combien de garde à vue, combien de rafles aux abords des écoles, dans les quartiers, combien d’arrestations dans les appartements, les foyers, sur les lieux de travail, combien de contrôle d’identité au faciès et surtout combien d’actes de délation de la part des employés de banques, des fonctionnaires de l’administration, des agents de la Poste, de la SNCF, de la RATP, des services sociaux ou des simples citoyens ? Combien de gens vivant dans la peur de la police et des autres ?

Lundi 16 juin

CRA 2. « Ils m’ont arrêté à la gare du Nord, c’était un contrôle d’identité, les policiers étaient quatre, ils n’arrêtaient que les gens de couleurs. Ils étaient en civil. Je l’ai ai remarqués, ils étaient avec une fourgonnette sur laquelle était inscrit “police”. Les gens autour ne se rendaient pas compte, donc ils ne réagissaient pas. Ici, c’est invivable, on voit de tout. Il y a des mecs qui n’ont rien à faire là. Il y a un monsieur qui a été opéré du cerveau. Il a des cicatrices. Il a été arrêté en pleine convalescence deux jours après être sorti de l’hôpital où il est resté un mois et demi. Il doit se faire encore opérer le 20 juin. Sa tête ne cesse d’enfler. Ça fait cinq jours qu’il est dans le centre. Il y a un gars qui a mal aux dents, son visage est enflé, il ne dors pas la nuit. Il y a une semaine, il a vu un dentiste qui n’a rien pu faire pour lui. Ici, ils lui donnent des calmants, mais c’est vraiment le minimum parce que son visage ne désenfle pas. »

CRA 1. « Il y a des tentatives de suicide très souvent, presque tous les jours. Quand quelqu’un tente de se suicider, ils viennent le prendre et l’emmènent à l’hôpital. S’ils considèrent que c’est pas grave, ils l’expulsent quand même. C’est arrivé à un jeune Malien. Le lendemain, son frère nous a appelé et nous a dit qu’il était dans son pays d’origine. Il est arrivé là-bas sans chaussures.

On arrive pas à faire un mouvement. Beaucoup de gens ne sont pas motivés. Ils ont peur des représailles. Moi, je leur dit qu’ils peuvent rien nous faire s’il y a pas de chef. On est obligé de fermer les yeux et de se taire. On discute tout le temps entre Noir Africains, on sait que derrière, il y a des gens qui nous soutiennent. On en est très content, mais il faut nous battre nous-même. On voudrait que nos pays d’origine connaissent nos conditions de détention et se mobilisent devant les ambassades françaises. La manifestation de samedi a été très bien, on a entendu vos voix. Les retenus ont crié et secoué la grille qui se trouve près de l’accueil, d’où on entend l’extérieur. Un responsable a essayé de nous faire taire. Il a essayé d’attraper deux retenus, les meneurs, mais ils se sont dégagés. Les mobilisations a l’extérieur sont nécessaires. Cela nous incite a faire des actions. C’est l’angoisse totale quand on voit un voisin de chambre se faire réveiller à 4 heures du matin, emmené sans chaussures, attaché, bâillonné… on nous envoie au tribunal menottés comme si nous étions de très grands criminels, dans un fourgon avec des cages. Je suis entré trois fois dans ce fourgon pour aller au tribunal. À chaque fois, j’ai dit au policier : “Nous sommes traités comme du bétail.” et le policer rigole. »

Vendredi 20 juin

CRA 2. Côté transgenre. « Ici, c’est tranquille. On est cinq de ce côté. Les policiers sont gentils. Je suis dans le centre depuis sept jours. Cinq personnes ont été arrêtées en même temps que moi. On était dans la rue, les policiers étaient en civil, ils rigolaient parce que nous sommes des trans. Ici, on a pas de contacts avec les autres retenus. Je les vois dans la cour, mais je ne discute pas, je suis fatiguée. »

Dimanche 22 juin

Hier un retenu est mort au CRA 2.

« Le monsieur qui est mort hier n’était pas cardiaque. Avant de rentrer dans le centre, il prenait déjà des médicaments tous les jours, il avait une ordonnance du médecin. Il demandait des médicaments et on ne voulait pas lui en donner. L’infirmière ne lui donnait pas sa dose, il demandais à d’autres retenus d’aller à l’infirmerie pour demander sa dose. Si le médecin lui avait donné sa dose, il serait encore parmi nous aujourd’hui. La veille du jours ou il est mort, il tremblait beaucoup, il ne savait pas pourquoi, il se sentait malade. Peu de temps avant de mourir, il a décidé de faire une sieste et a demandé à son copain russe de le réveiller pour qu’il puisse aller à l’infirmerie qui ouvre à 15 heures. Son copain est venu une première fois , il a essayé de la réveiller, son visage était tourné vers le mur, on ne voyait pas très bien. Il a cru qu’il dormait profondément et il a préféré le laisser dormir. Dix minutes après, il est revenu. Cela c’est passé de la même manière. Du coup, il est allé chercher un autre retenu, et tous les deux ils ont essayé de le réveiller, ils lui ont tourné la tête, il y avait du sang sur le nez et la bouche, il était bleu turquoise, il était tout dur, tout raide, froid. »

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